Avant de vous laisser pénétrer plus loin dans ce lieu qui m’est cher, il faut que je vous dise : il y a longtemps que ce jardin existe. Au début, ce petit bout de campagne qui entrait dans la ville fit appel à Méline, Madeleine, Alexandre et à Albert. Dès 1932, ils lui donnèrent un corps et une âme aidés en cela par "Le père Graux" qui fut pendant plus de vingt ans le grand prêtre des arbres fruitiers. La Passe-Crassane, la Beurrée Hardie, la Comtesse de Paris, la Lebel et beaucoup d’autres n’avaient de secret pour lui. Je me dois d’évoquer "Le père Wallet" grand ordonnateur des légumes. Le potager dont il avait la charge faisait l’admiration de tous, tant par ses formes, ses alternances de couleurs, les variétés qu’il y cultivait... que par les goûts laissés dans les bouches au moment du pot-au-feu... Son organisation s’était faite à partir d’une allée de 150 mètres environ qui le traversait de part en part, de chaque coté de celle-ci une rangée de pommiers cordons, cette double colonne vertébrale lui conférait un parfait équilibre. Transversalement des candélabres de poiriers en espalier forment des compartiments, d’autres variétés fruitières sont placées à l’intérieur (cerisiers, abricotiers, pruniers, pêchers, etc.).
Un petit pavillon fut édifié au centre du jardin, il n’avait d’autre prétention que d’accueillir les amis pour leur faire déguster les merveilleux plats à base de légumes préparés par Madeleine la maitresse de maison. Une cave extrément utile car équipée de clayettes recevait les pommes et les poires cueillies en automme, elles y passaient l’hiver en parfait état de conservation, quel délice... ! Les arbres grandirent, le jardin s’étoffa, embellit, puis jusqu’en son sein il y eut la folie des hommes.
La paix rétablie, il devint le lieu favori de mon enfance. Malheureusement ces trois générations d’hommes et de femmes qui lui avaient offert un moment de leur vie s’éteignirent et partirent rejoindre les jardins eternels. A son tour ce petit paradis s’endormit paisiblement pendant près de vingt cinq ans. Cest fin 1991 qu’en leur mémoire je décidai d’entreprendre sa remise en état, elle déduta au printemps 1992.